Célébrer Frantz Fanon, ce n’est pas seulement rendre hommage à un penseur disparu. C’est réactiver une pensée en mouvement, une invitation à penser le monde depuis ses marges, et à lutter pour une humanité partagée. À l’occasion de son anniversaire (il est né martiniquais, le 20 juillet 1925 et est mort algérien, le 6 décembre 1961), nous souhaitons rappeler l’impact majeur de son œuvre dans la lutte contre le colonialisme, le racisme et l’oppression, à l’échelle internationale. Son héritage clinique et politique reste un pilier incontournable pour tous ceux qui soignent les conséquences psychiques des aliénations induites par les rapports de domination.

Fanon fut l’un des premiers à articuler cette critique fondamentale du colonialisme, non seulement comme une machine psychique de déshumanisation, mais aussi et peut-être surtout comme un système politique à dénoncer, voire à contrer.

Plus de 60 ans après sa mort, les situations de domination, de dépossession et d’apartheid montrent que la pensée fanonienne demeure plus que d’actualité. Il est, encore et toujours, une boussole pour celles et ceux qui refusent l’oppression et la discrimination. En Palestine, sur le continent africain, dans les mouvements antiracistes en Occident, ou chez les peuples autochtones, ses écrits nourrissent l’actuel de ses réflexions sur la résistance, la souveraineté et la dignité humaine.
Très engagés, ses écrits informent sur les indépendances formelles, vidées de leur substance, quand les anciennes puissances coloniales conservent le contrôle économique et culturel. Aux yeux de Fanon, la libération véritable implique une transformation radicale des rapports de pouvoir, mais aussi une décolonisation des esprits. Pour théoriser, il analyse les mécanismes profonds, à la fois politiques, économiques, mais surtout psychologiques de la domination, tant chez les dominés que chez les dominateurs. Dans Les Damnés de la Terre, œuvre phare, il affirme que la décolonisation ne peut être qu’un processus de rupture brutale, de reconstitution du sujet colonisé par la violence de la révolte dans un premier temps.

Ainsi, son appel à la solidarité internationale trouve un écho puissant chez tous ceux qui luttent pour la justice et le respect de l’humain. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui — du Moyen Orient, d’Afrique, des Caraïbes, d’Amérique latine ou des banlieues occidentales — revendiquent Fanon comme une source d’inspiration. Son œuvre nous apprend qu’aucune transformation sociale profonde ne peut avoir lieu sans remise en cause radicale des structures de pouvoir.
Nous souhaitons rassembler dans ce dossier ceux qui se sentent héritiers de Fanon et mobilisent sa pensée pour analyser la clinique des marges, des « damnés de la terre ». Cette analyse décèle les rapports historiques, sociaux, culturels, linguistiques de domination, qui traversent la condition humaine et révolutionne le regard. Ceci constitue un acte politique qui engage le clinicien.

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