Note de terrain

© Directeur de Publication M. Kamdoum Duvalier Soh Source D.G.

Note sur la dénudation publique du corps féminin au Cameroun :

à propos d’une explication médiatique


Parfait D. AKANA

Parfait D. Akana est sociologue et anthropologue, titulaire d’un doctorat mené conjointement à l’EHESS (Paris) et à l’université de Yaoundé II (Cameroun) sur le thème « Une ethnographie de la folie à Yaoundé. La rue, le politique et la clinique ». Il a été Rédacteur en chef de la revue Terroirs (revue africaine de sciences sociales et de philosophie) de 2004 à 2012.

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Repéré à https://revuelautre.com/notes-de-terrain/note-sur-la-denudation-publique-du-corps-feminin-au-cameroun/ - Revue L’autre ISSN 2259-4566

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Il semble bien qu’une étude du « genre », peu importe le point de vue à partir duquel on parle, peu importe la perspective, ne peut faire l’économie, au moins d’une connaissance épistémologique, de ce que le concept implique. Ainsi, l’énonciation du genre se fait sur fond d’un ensemble de discours et de pratiques qui le constituent, qui en font l’histoire, et qui sont une ressource sans cesse mobilisée et actualisée en fonction des objectifs poursuivis… Il s’opère aussi ici, de façon constante, comme une discussion et une négociation sur la validité de ce qui constitue le genre, de ce à quoi il faut recourir, stratégiquement… De ce point de vue, on peut dire que le genre est un concept opératoire, c’est-à-dire qu’il vise des actions, des transformations dans le monde social. Il vit du projet fondamental qui le constitue à savoir : œuvrer en vue d’une déconstruction et d’un dévoilement des différents mécanismes de domination qui affectent les femmes dans les divers secteurs de la vie sociale, politique, économique, etc. Par ailleurs, il est important de relever que la controverse, surtout nord-américaine, sur la définition de « genre », sur ses contenus, etc., a beaucoup œuvré en faveur d’une réflexivité des outils, des procédures et des objectifs de ce nouveau champ d’études qui s’est constamment remis en question, engageant par là-même sa propre auto-analyss1. De ce qui précède, on peut aussi tirer la conclusion selon laquelle, le concept de genre, pour reprendre une analyse que Michel Foucault effectue au sujet de la médecine dans L’archéologie du savoir, s’organise comme « une série d’énoncés descriptifs »2. Toutefois, il faut considérer ici que l’énonciation descriptive n’est qu’une des formulations présentes dans le discours du genre comme champ, et qu’il y a un travail de la description qui se déplace et connaît les aventures que les objets, les situations, etc., lui assignent. Il y a une recodification permanente de ce qu’il faut entendre par genre. En d’autres termes, le « système de transcription de ce qu’on perçoit dans ce qu’on dit (même vocabulaire, même jeu de métaphores) »3, fluctue et appelle constamment de nouvelles explicitations parce que la « nature » de ce qui est ainsi objet d’observations est elle-même d’une grande labilité. Dans un travail qu’il consacre à la discussion et aux différents usages du genre et de la sexualité aux Etats-Unis, l’américaniste Eric Fassin, à partir d’une relecture de Michel Foucault, nous donne un exemple pertinent de cette tension au cœur de l’énoncé et qui symbolise, d’une certaine manière, les aventures de la notion de genre :

« La définition du genre ne suppose pas qu’on en réduise l’enjeu. Tout au contraire, il faut placer celui-ci au cœur de l’analyse. Si donc, loin de prétendre trancher théoriquement un débat qui est d’évidence tout autant politique qu’intellectuel, on le prend pour objet, la question de la définition se trouve par là même posée en termes purement historiques. Les malentendus transatlantiques entre les féminismes français et américain s’éclairent alors du même coup : les langages diffèrent avec ces enjeux […]. »4

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  1. Lire à ce sujet Paula Schwartz, « Women’s Studies, Gender Studies. Le contexte américain », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, Presses de Sciences Po, 2002/3, N° 75, pp. 15-20.
  2. Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Gallimard, Collection « Tel », Paris, 1969, p. 50
  3. Michel Foucault, op. cit., p. 50
  4. Eric Fassin, « Genre et sexualité. Politique de la critique historique », in Penser avec Michel Foucault (Sous la direction de Marie-Christine Granjon), Karthala, Collection « CERI », 2005, p. 246.