« Les phobies » chez l’enfant : impasse ou passage ?

Sous la direction de Marika Bergès-Bounes et Jean-Marie Forget
Paris : Erès ; 2013

La phobie dans tous ses états ! Ceci aurait pu être le titre de cet ouvrage collectif qui nomme la phobie « plaque tournante » de la clinique. Passé une rencontre (traumatique ?) avec le grand Autre et l’Objet, cause du désir de l’Autre, le lecteur est amené à considérer la Phobie comme une entité clinique très en lien avec le monde actuel.

A travers plusieurs illustrations cliniques, qui soulagent le lecteur d’une approche par moment ardue pour les « non-initiés », les auteurs rediscutent du statut, de la fonction et de la nature même de ce qui a été décrit par Freud comme le prototype de la névrose œdipienne. Emergeant à une période de questionnements phylogénétiques, de la construction des théories sexuelles infantiles, la phobie « transitoire » se présente comme un déplacement de l’angoisse de castration sur un objet ou une situation. Elle est structurante et correspond selon Lacan à un moment de passage entre le statut de « petit trésor » à un statut de sujet dans un rapport à la castration.

L’évolution de la société, de ses normes et de ses modèles nous pousse à réinterroger les manifestations symptomatologiques de nos petits patients. Ainsi, la phobie de l’enfant, illustrée par le cas princeps du petit Hans (1909), semble se transformer en une « maladie de l’imaginaire » (C. Melman, 1989) durable et persistante, présente chez les enfants mais aussi chez les adolescents et les jeunes adultes. Celle qui apparait comme une réponse à une défaillance de la métaphore paternelle, viendrait rencontrer un discours « sans consistance » du monde actuel (référence), une architecture et une conception de l’espace qui favoriserait son apparition. Les phobies d’animaux ou d’aliments, même toujours présentes, laissent une large place dans l’ouvrage aux phobies scolaires, phobies de la lettre ou d’inscription. Peut-être cela reflète-t-il leur prévalence dans notre société. Mots, lettres et alphabets prennent une place de choix. Ces enfants, adolescents viennent nous rappeler que la langue a un sens et une fonction : celle de la séparation. Ainsi, l’objet phobique vient témoigner d’une tentative de subjectivation, de séparation d’avec le corps de la mère. Il demande à être lu, mis en sens pour atteindre l’angoisse fondamentale qu’il vient masquer.

Les auteurs nous apportent également un éclairage clinique interrogeant nos pratiques. C’est un éloge à la pratique analytique avec les enfants, à cette période où la tentation est grande de ne prendre en compte que le symptôme, niant par là même la souffrance profonde du sujet.