Brèves

Toutes les cultures se valent !


Marie Rose MORO

Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.

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Incroyable ! Encore aujourd’hui l’on peut faire impunément des hiérarchies entre les mondes, les langues, les cultures et donc les civilisations. Et les travaux des anthropologues, des linguistes, des philosophes n’y changent rien. Mais pire encore, il est des intellectuels français pour défendre cette idée. Dire que chaque culture, chaque civilisation (dont il conviendrait de définir le terme), chaque langue, même orale, ne doit pas être considéré comme moins qu’une autre serait, selon ces intellectuels, de la haine de soi. C’est la notion de hiérarchie qui pose problème à tous ces penseurs. Dire qu’il y ait des différences ne signifie pas qu’il y ait une hiérarchie mais plutôt une pluralité. Mais en France, nous ne voulons pas penser les différences ni la diversité si bien que nous revient en boomerang la hiérarchie. Je préfère Don Giovannni aux tambours de l’Amazonie disait un intellectuel français, alors il y a bien une supériorité de la civilisation qui a produit Don Giovanni. Incroyable glissement, mes valeurs et mes préférences, nulles ne les discutent ; il en est de même pour celles des autres. Peut-être que si j’appartiens à cette culture amazonienne ou si j’ai appris à décrypter cette musique alors, je peux préférer le tambour à l’opéra. Par ailleurs, Don Giovanni, c’est sublime pour moi. Et le débat ne peut que caricaturer l’autre.

Je pense la démocratie comme une valeur, à juste titre, et je décide donc que les pays non démocratiques appartiennent à une civilisation inférieure à combattre. Il y a là une conception guerrière du monde qui ne peut être considérée comme un progrès mais comme de l’ethnocentrisme d’hier. Dans ces sociétés non-démocratiques et elles sont nombreuses dans des civilisations très différentes, il y a des groupes et des personnes qui se battent pour la démocratie, c’est avec elle sans doute qu’il faut faire cause commune. Par ailleurs, ces sociétés, comme celles qui ont vécu des révolutions ces dernières années, sont en train de créer un système politique qui correspond à leur peuple et à leur vision de la démocratie. De même, entendre dire que les peuples qui ont des langues orales viendraient de « petites » civilisations par opposition à ceux qui ont des langues écrites qui eux viennent nécessairement de « grandes » civilisations, c’est faire preuve d’une ignorance profonde et de beaucoup de mauvaise foi. Le rapport oral et écrit est très divers : les langues orales trouvent des modalités de s’écrire dans notre monde de l’écrit où les locuteurs de ces langues sont souvent bilingues ou plurilingues pour pouvoir utiliser différents registres en fonction de leurs besoins. Et ainsi, ils peuvent utiliser aussi bien la créativité de l’oral que celles de l’écrit et toutes ces langues y compris les langues orales contribuent ainsi à maintenir une pluralité de visions du monde nécessaire à notre universel humain, par définition pluriel.