Article de dossier

© Mathilda Lefort, 15 mai 2009. Source (CC BY 2.0)

Maria, une beauté bien encombrante

Prendre en charge un patient psychotique dans un groupe transculturel

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Jeanne-Flore ROUCHON

Jeanne-Flore Rouchon est psychiatre, co-thérapeute de la consultation transculturelle d’Avicenne. AP-HP, Hôpital Avicenne, Service de psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent, psychiatrie générale et adddictologie spécialisée, Bobigny.

Alice TITIA RIZZI

Alice Titia RIZZI est psychologue clinicienne, à la maison de Solenn (MDA) de l’hôpital Cochin, au Centre Babel, enseignante chercheuse à l’Université PARIS Cité et à l’INSERM. Elle fait partie du comité de rédaction de la revue L’autre et du bureau de l’AIEP. Elle a effectué une thèse à propos des dessins d’enfants, et dirige le séminaire : « Mieux écouter le dessin d’enfants » à PARIS. Elle a théorisé le génogramme transculturel en 2010, actuellement, elle coordonne une recherche autour de la théorisation du contre-transfert sur le dessin (groupe D-traces).

Françoise BABIN

Françoise Babin est infirmière, co-thérapeute de la consultation transculturelle d’Avicenne, Bobigny, AP-HP.

Marine POUTHIER

Marine Pouthier est psychologue auprès des jeunes isolés étrangers à l’Aide Sociale à l’Enfance de Paris, 76/78 rue de Reuilly, 75012 Paris.

Marie Rose MORO

Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.

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Pour citer cet article :

Rouchon J-F, Titia Rizzi A, Babin F, Pouthier M, Moro MR. Maria, une beauté bien encombrante. Prendre en charge un patient psychotique dans un groupe transculturel. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2013, vol. 14, n°3, pp. 332-341


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/maria-une-beaute-bien-encombrante/

Maria, une beauté bien encombrante. Prendre en charge une patiente psychotique dans un groupe transculturel

A travers l’analyse complémentariste de l’histoire de Maria, patiente d’origine cap-verdienne qui souffre d’une psychose dysthymique très invalidante et qui est prise en charge à la consultation transculturelle de l’hôpital Avicenne, cet article tente d’apporter quelques éléments éclairant les possibilités et limites de suivis en thérapie transculturelle de patients psychotiques. Dans cette situation clinique, malgré la gravité du trouble psychotique, la prise en charge s’avère globalement thérapeutique, d’ailleurs, plus du fait des caractéristiques contenantes qu’offre l’outil thérapeutique groupal transculturel que des possibilités de co-construction de sens qu’il offre. Au plan de la technique transculturelle, nous allons montrer un écueil fondamental dans cette psychothérapie, notamment ce qui concerne la question des rituels.

Mots clés : Cap Vert, Créole, dispositif thérapeutique transculturel, ethnopsychanalyse, groupe, psychose.

Maria, a very cumbersome beauty. Taking care of a psychotic patient in a trans-cultural group

This article presents a complementarist analysis of a clinical situation based on the case history of Maria, a Cape Verdean patient suffering from debilitating dysthymic psychosis and currently receiving care in the transcultural clinic of Avicenne Hospital. This study aims to bring together elements that the authors hope may clarify some of the limits and possibilities of the transcultural psychotherapeutic treatment of psychotic patients. Despite the severity of the patient’s psychosis, the care proves to be largely therapeutic, although its effectiveness might be attributed more to the “containing” quality of the transcultural group therapeutic structure than to the possibilities for co-construction that this structure provides. From the point of view of psychotherapeutic technique, we demonstrate an important stumbling block during the patient’s treatment, namely which involves the question of rituals.

Keywords: Cape Verde, Creole culture, ethnopsychoanalysis, psychosis, transcultural psychiatry.

María, una belleza que pesa. Hacerse cargo de una paciente psicótica en un grupo transcultural

A través del análisis complementarista del caso de María, una paciente de origen caboverdiano que sufre de una psicosis distímica muy invalidante, tratada en la consulta transcultural del hospital Avicenne de la Profesora Moro (Bobigny, APHP), este artículo intenta aportar algunos elementos de análisis de las posibilidades y los límites de los tratamientos transculturales de pacientes psicóticos. En esta situación clínica, a pesar de la gravedad del trastorno psicótico, el tratamiento se revela globalmente terapéutico, más gracias a la propiedad tranquilizadora que proporciona el dispositivo terapéutico grupal que a las posibilidades de co-construcción de un sentido del sufrimiento que el ofrece. À nivel de la técnica psicoterapéutica, mostraremos la importancia de un obstáculo fundamental en este tipo de situación clínica, principalmente en lo que concierne la cuestión de los rituales.

Palabras claves: Cabo Verde, criollo, dispositivo terapéutico transcultural, etnopsicoanálisis, grupo, psicosis.

L’histoire de Maria1, une patiente d’une quarantaine d’années d’origine cap-verdienne, nous a beaucoup touchées2. Pourquoi elle parmi tant d’autres migrants reçus dans cette même consultation ? Parce que lors de nos rencontres, Maria nous a donné à voir l’étrangeté de son humanité, nous laissant parfois démunis, souvent perplexes devant une symptomatologie bruyante et colorée, désordonnée voire déroutante. Cette consultation transculturelle est une consultation de seconde intention dédiée aux familles migrantes et à leurs enfants à qui d’autres thérapeutes adressent ces familles qui nécessitent un étayage clinique spécifiquement transculturel, c’est-à-dire qui associe l’anthropologie pour décoder les aspects culturels et la psychanalyse pour élaborer les aspects intrapsychiques (Moro, Moro et coll., 2004). Cette consultation réunit des thérapeutes po­ly­glottes formés à cette clinique transculturelle et si besoin un traducteur3. Parler de Maria, c’est d’abord évoquer ses voyages.

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  1. Pour des raisons éthiques et de confidentialité, le prénom a été modifié ainsi que certains éléments biographiques.
  2. Nous l’avons rencontrée à la consultation transculturelle de Marie Rose Moro de l’hôpital Avicenne à Bobigny (service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent).
  3. Les consultations transculturelles peuvent se faire en grand groupe de thérapeutes, en petits groupes ou en individuel avec ou sans traducteur en fonction des besoins des familles, des langues et des origines culturelles des patients et des demandes des familles. Cette consultation transculturelle se fait toujours sur la base de l’accord du patient pour un tel dispositif psychothérapique et elle ne se substitue pas au suivi psychiatrique classique (Moro, 2010).

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